13 000 lémuriens consommés par an à Madagascar : une enquête dévoile l’ampleur du phénomène
Une étude publiée dans Conservation Letters met en lumière l’ampleur du commerce clandestin de viande de lémurien à Madagascar. Près de 13 000 individus seraient abattus chaque année, alimentant une demande discrète mais en croissance, portée notamment par des consommateurs aisés. Les chercheurs alertent sur un risque d’extinction si des mesures urgentes ne sont pas engagées.
Un commerce clandestin qui gagne du terrain
Longtemps concurrencés par la destruction des forêts et le braconnage, les lémuriens sont désormais confrontés à une pression supplémentaire : le commerce illégal de leur viande. Ce marché, encore largement invisible, repose sur un réseau discret où s’entremêlent chasseurs, revendeurs et clients privilégiés. La rareté de ces primates et leur valeur culturelle contribuent à alimenter la demande. Entre 2022 et 2025, des chercheurs ont mené une enquête auprès de 2 600 personnes dans 17 grandes villes de la Grande Île. Ils ont interrogé chasseurs, revendeurs, restaurateurs et consommateurs afin d’obtenir une vision d’ensemble du phénomène. Selon leurs conclusions, près de 13 000 lémuriens sont tués chaque année, et leur viande circule dans plus d’un tiers des villes étudiées. Les transactions se déroulent en grande majorité dans la clandestinité : 94,5 % se font directement entre fournisseurs et clients de confiance, tandis que 5,5 % aboutissent dans les restaurants.
Les consommateurs interrogés évoquent principalement l’attrait gustatif et des croyances associées à la viande de lémurien. L’un d’eux affirme qu’elle serait « la plus délicieuse » qu’il ait goûtée, tandis qu’un fournisseur rapporte qu’elle serait réputée « garder jeune ». Les restaurateurs qui proposent de la viande de lémurien appliquent des tarifs nettement supérieurs à ceux pratiqués pour la viande domestique. Un lémurien entier peut être vendu en portions individuelles, chacune facturée au prix de l’animal complet, générant des marges comprises entre 200 % et 400 %. La viande de lémurien devient ainsi l’une des plus coûteuses du marché.
Renforcer les lois et intensifier les sensibilisations
Dans leur publication, les chercheurs estiment que l’approche actuelle de conservation ne suffit plus à protéger ces primates. Ils soulignent que « sans une approche globale et basée sur les données, les mammifères les plus menacés du monde pourraient bientôt être mangés jusqu’à l’extinction ». Ils recommandent notamment de renforcer les lois encadrant l’usage illégal d’armes à feu, fréquemment utilisées pour la chasse, et d’intensifier les actions de sensibilisation sur les risques sanitaires liés à la consommation de viande sauvage.
Les auteurs de l’étude suggèrent également de s’attaquer à l’offre en proposant des alternatives économiques aux chasseurs. Pour beaucoup, la vente de viande de lémurien constitue une source de revenus essentielle. Offrir des opportunités économiques durables permettrait de réduire l’attractivité de ce commerce, tout en impliquant davantage les communautés locales dans la conservation.



