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Sport

"Stadium": 53 supporters du RC Lens sur une scène de théâtre

29/09/2017 12:57 © Moov

Ambiance au Théâtre de la Colline: à la fin de "Stadium", qui met en scène 53 supporters du RC Lens, c'est le public parisien qui chante "Ohé, ohé, ohé" en rythme avec les pom pom girls.

Sur un côté de la scène, la friterie "Momo", emblématique du stade Bollaert. Au centre du plateau, un gradin où s'installe bientôt l'imposante famille Dupuis autour d'Yvette, 85 ans, supportrice du club depuis l'âge de 8 ans.

Enfants, petits-enfants, arrière petits-enfants encadrent l'octogénaire entièrement habillée aux couleurs "sang et or" du club.

Le décor est planté: nous sommes dans le nord de la France, au sein du "meilleur public" de l'Hexagone, attaché viscéralement à son club comme à un étendard. A la mi-temps, on chante "Les corons" de Pierre Bachelet. On est "fils d'ouvrier, petit-fils de mineur, et communiste" comme Jonathan, "capo" (chef de tribune, chargé des chants et banderoles).

Même si beaucoup votent désormais Front national, convient-il lucide, dans une des vidéos qui émaillent la pièce.

Ni documentaire, ni fiction, "Stadium" est l'aboutissement d'un an d'immersion de Mohamed El Khatib dans les clubs de supporters du RC Lens. Docteur en sociologie converti au théâtre, Mohamed El Khatib, 36 ans, né en France dans une famille marocaine, revendique "une certaine tendresse pour le bassin minier et la culture prolétaire".

Lui-même fan de foot # il a joué à haut niveau jusqu'à une blessure qui l'a contraint à abandonner # et fils d'ouvrier, Mohamed El Khatib a décidé de "travailler avec des gens (qu'il) rencontrait dans le quotidien": "Des médecins, des femmes de ménage, des agriculteurs, que j'invitais à venir sur scène".

Cela a donné plusieurs pièces marquantes, "Moi Corinne Dadat", qui met en scène une femme de ménage et une danseuse, "Finir en beauté", sur la mort de sa mère.

# So foot

"Stadium", qui part en tournée dans toute la France après la Colline (jusqu'au 7 octobre) alterne témoignages sur scène, vidéos, courtes saynètes chantées et dansées dans un patchwork festif et coloré.

La pièce baptisée "performance documentaire" propose pourtant de grands moments de théâtre, comme lorsque l'arbitre voltige sur scène en éparpillant ses cartons rouges, dans une chorégraphie aérienne.

Le metteur en scène saisit le désarroi d'une région durement éprouvée depuis les années 90 avec la fin des mines, de la sidérurgie et du textile, et où le foot offre un refuge de convivialité, d'enracinement. "Quand je suis au match, j'oublie tous mes soucis", disent-ils, la tête dans les étoiles, même si Lens peine en Ligue 2, loin du titre glorieux de champion de France décroché en 1998.

Autour du foot s'ancre une créativité, un humour qu'on ne soupçonnait pas, comme ce club "Éléments de langage", auteur de banderoles loufoques ("faut pas confondre Sophocle et So foot").

Mohamed El Khatib transporte un pan entier de culture populaire du nord dans un théâtre parisien où la plupart des spectateurs n'ont sans doute jamais mis les pieds dans un stade.

"L'idée c'est d'organiser une confrontation entre deux types de public, le public du théâtre et celui du football. J'aime bien l'idée de réconcilier deux mondes qui ne se côtoient pas", dit-il.

Pas d'angélisme dans ce regard: la violence des insultes, des banderoles infamantes que les clubs s'envoient à la figure lors des matches est bien là. Un arbitre témoigne de la souffrance ressentie "à se faire insulter tous les week-ends".

La pièce donne aussi la parole aux "ultras" pourchassés, interdits de déplacement, nouvelle illustration de la devise "classes laborieuses, classes dangereuses", selon Mohamed El Khatib.

Si "Stadium" débute dans les rires du public, au fil de la pièce, une émotion, un respect s'installent.

Lorsque Margaux, belle plante "en léger surpoids", vient expliquer au micro comment son adhésion aux "cheerleaders" lui a permis de "se réapproprier sa féminité, avec quelque chose de féministe même", le silence s'impose. On ne regardera plus jamais une "pom pom girl" de la même façon.



© AFP

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