Rupture du Honduras avec Taïwan : quel avenir pour le marché de la crevette ?
Sur la côte pacifique du Honduras, des milliers de crevetticulteurs et de travailleurs du secteur se désespèrent de la rupture des relations avec Taïwan qui menace le plus gros marché d’exportation de ces crustacés.
"Nous ne voulons pas que cesse le commerce avec Taïwan", assène Lorena de Jesus Zelaya, 51 ans, en commentant la rupture le mois dernier des relations diplomatiques avec l'île nationaliste au profit de Pékin.
Avec elle, quelque 800 autres femmes travaillent à emballer dans une usine de Choluceta (à 85 km au sud de Tegucigalpa) les crevettes qui, congelées, partiront en conteneurs réfrigérés vers Taïwan, le Mexique et l'Europe.
Le Honduras de la présidente de gauche Xiomara Castro est le cinquième pays d'Amérique centrale à rompre avec l'île en Amérique centrale. Désormais, seuls 13 Etats au monde entretiennent encore des relations officielles avec Taïwan.
Au nom du principe d'"Une seule Chine" imposé par Pékin, le Honduras s'est engagé à "ne plus avoir de relations officielles" avec Taïwan, ce qui semble bien sonner le glas du Traité de libre commerce avec l'île nationaliste en vigueur depuis 2008.
En vêtements de travail-tablier, bonnet et bottes de caoutchouc-### Lorena de Jesus explique à l'AFP qu'elle "travaille depuis 31 ans" dans le secteur de la crevette qui exporte plus du tiers de sa production vers Taïwan pour quelque 100 millions de dollars.
Les crevettes sont élevées dans des grands bassins artificiels alimentés en eau de mer provenant du Golfe de Fonseca tout proche. Lancée dans les années 1970, la crevetticulture (ou pénéiculture) a bien prospéré depuis : désormais 324 élevages occupent plus de 24.500 hectares dans la région.
Taïwan paie le double de la Chine
"Perdre le marché de Taïwan, pour le Honduras qui est un pays producteur, c'est très compliqué : Taïwan, c'est un marché de grande valeur, où nos crevettes se vendent quasiment le double du prix qu'en Chine", explique Yader Rodriguez, un des chef d'entreprise du secteur.
"Nous sommes très inquiets de ce qui peut se passer avec cette décision politique" de rompre avec l'île nationaliste, insiste le chef d'entreprise, âgé de 46 ans.
Il est vrai que le secteur représente environ 23.000 emplois directs entre les élevages et les usines d'emballage et d'expédition, et même au moins six fois plus si l'on compte les emplois indirects.
Déjà, l'Association nationale des aquaculteurs du Honduras a pu exprimer, lors de plusieurs réunions avec les autorités, ses craintes de voir Taïwan refuser tout simplement d'acheter à présent des crevettes au petit pays d'Amérique centrale.
L'association, explique son président Juan Carlos Javier, a demandé que le gouvernement écrive une lettre à Taïwan pour demander la poursuite des relations commerciales en dépit de la rupture des relations diplomatiques.
"Le gouvernement est à l'écoute et est disposé à chercher des solutions", reconnaît M. Javier.
"Toutes les familles sont inquiètes (...) à cause de ce traité (commercial) que l'on veut casser", souligne Carlos Abrego, 28 ans, qui travaille pour une entreprise du secteur.
"Nous sommes réellement très inquiets parce que, là où nous vivons, perdre un emploi ou subir une perte de salaire c'est très grave", renchérit Pedro Antonio Martinez, un ouvrier de 34 ans chargé d'alimenter les crevettes dans un élevage.
Les crevettes sont le cinquième produit agroalimentaire à l'exportation du Honduras, après le café, la banane, le sucre et l'huile de palme. L'année dernière, les exportations totales du pays se sont élevées à 6,1 milliards de dollars, dont près de 130 millions vers Taïwan.