Héritage colonial - La France restitue trois crânes Sakalava à Madagascar
Un tournant décisif est en cours dans les relations culturelles entre la France et Madagascar, avec la restitution de trois crânes Sakalava.
Un comité scientifique franco-malgache, mis en place le 3 octobre à Paris, vise à baliser les conditions de cette restitution tant attendue. Cette initiative fait suite à une première demande formulée il y a plus de vingt ans par le prince Sakalava Magloire, décédé en mai dernier, et relancée à plusieurs reprises par le président Andry Rajoelina. Sous l'égide de Rachida Dati, ministre française de la Culture, et de Volamiranty Donna Mara, ministre de la Communication et de la Culture de Madagascar, ce comité conjoint s’efforce de retrouver les traces des crânes supposés être ceux du roi Toera et de deux autres chefs Sakalava. Ces restes sont actuellement conservés au Muséum national d’histoire naturelle à Paris.
Selon les autorités malgaches, la restitution de ces restes est une étape importante dans la préservation de leur patrimoine et leur identité. "Ce processus symbolise non seulement les liens historiques mais aussi la volonté commune d’avancer vers la reconnaissance de la dignité de chaque nation", a souligné Rachida Dati lors de la cérémonie de lancement du comité. Cette démarche s'inscrit dans un contexte international où les restitutions de biens culturels et humains s'intensifient, face à une demande croissante des pays anciennement colonisés pour récupérer leurs artefacts.
Restitution historique
L’installation de ce comité est également une application concrète de la loi française du 26 décembre 2023, facilitant la restitution de restes humains provenant de collections publiques. Cette loi permet de contourner la règle d'inaliénabilité des collections publiques, jusque-là un obstacle majeur aux restitutions. "C'est un signal fort envoyé à l’échelle internationale, montrant que la France est prête à reconnaître les erreurs du passé colonial et à rétablir la justice", a déclaré Donna Mara. Les précédentes restitutions, telles que celle de la Vénus hottentote à l’Afrique du Sud en 2002 et celle de têtes maories à la Nouvelle-Zélande en 2012, illustrent la complexité et la sensibilité de ces processus. Dans le cas des crânes sakalava, des analyses ADN ont été effectuées, mais les échantillons se sont révélés trop dégradés pour fournir une identification certaine. L’histoire violente de la capture et de l'exécution du roi Toera en 1897, à Ambiky, est encore enseignée dans les écoles malgaches. L'attaque surprise des troupes coloniales françaises, qui a coûté la vie à plusieurs chefs locaux, a marqué un épisode tragique de l’histoire du Menabe. Des chercheurs comme Klara Boyer-Rossol, historienne de l'Afrique, continuent de tracer les origines de ces crânes à travers des correspondances coloniales, notamment celles de Guillaume Grandidier, fils du célèbre explorateur Alfred Grandidier.